Le centre du monde existe-t-il encore, quelque part, à l'heure de la société d'information et de communication généralisée ?


Le centre du monde s'il existe jamais encore, au moment où les réseaux se croisent et s'entrecroisent dans le Cyberespace d'une façon si serrée, est en passe de perdre son statut et sa place.Il est condamné à se dissoudre dans le bain électronique dans lequel nous sommes désormais tous immergés.

Le centre du monde est maintenant à la fois partout et diffus, c'est à dire, paradoxalement nulle part ! ! !

Le centre du monde que chacun d'entre-nous porte en soi, comme un axe d'équilibre nécessaire, cherche à retrouver, ses repères, ses appuis, ses marques, son assise intérieure qui vacille. L'individu plongé dans un magma d'informations fragmentées en subit les assauts et les flux toujours plus denses, plus inextricables. De la situation de point central « unique » et « irremplaçable », à la fois géographique, spatial, idéologique, philosophique, qu'il représentait jadis, le centre du monde n'est plus aujourd'hui qu'une surface dilatée aux dimensions indéfinies d'une nébuleuse que des experts savants et patentés nomment le «global ». Un non-lieu paradoxal tandis que s'exacerbent, ici ou là, comme d'ultimes résistances, des nationalismes anachroniques et des régionalismes de folklore qui tentent un combat perdu d'avance contre l'évolution irréversible et la délocalisation généralisée. Il faut bien le constater : le centre du monde, comme nous le vérifions chaque jour, a entamé son processus de lente désagrégation qui l'amène peu à peu à se déplacer, à se disperser, à s'effacer.

A être ici ou là, au gré des circonstances et des connexions. A se multiplier à l'infini dans des circulations imprévisibles pour l'homme mais toujours objet, par contre, de programmations implacables en langage binaire « pour » et « dans » la machine. Avant de courrir le risque qu'il ne disparaisse à jamais, ce centre du monde, nous avons pensé qu'il serait légitime de lui consacrer une sorte de dernier hommage, d'intervenir sur ce qu'il en reste encore d'identifiable, et tant que faire se peut, « ramasser» ses éclats dispersés, les réunir à nouveau, pour le donner à voir, une fois encore, au moins, dans son intégralité, sa splendeur et sa singularité, avant qu'il ne disparaisse peut-être pour toujours, définitivement, englouti et digéré, dans un processus historique dans lequel l'aventure de l'homme et ses séquelles anthropomorphiques n'auront été, qu'accident sublime et dérisoire. Si ces vingt dernières années, l'homme a colonisé la lune, envoyé ses robots et ses sondes dans l'espace intersidéral pour tenter de laisser son empreinte sur les territoires les plus lontains, il a compris qu'avec le Cyberespace la distance, et par conséquent l'espace, étaient désormais abolis par la communication électronique instantanée. Devant nos yeux ébahis, le monde « tout entier » peut être maintenant convoqué, d'un seul geste de la main, sur la surface lisse et plane d'un moniteur. Un miroir à travers lequel l'imaginaire de l'homme, connecté à l'univers, ne connaît plus aucune limite, ni spatiale, ni temporelle.

Dans cette situation historique il peut paraître à la fois naïf et présomptueux qu'un artiste prétende, pour trois jours consécutifs, reconstituer le « centre du monde » et l'offrir ainsi au creux de sa main, joyau précieux, comme le coeur névralgique de la communication planétaire. Il sait bien qu'il ne peut y parvenir tout seul... et c'est bien pour cela qu'il invite, aujourd'hui, sur le réseau, tous les internautes de bonne volonté à contribuer par un travail coopératif à « retrouver », ne serait-ce que le temps d'une connexion ce centre là. Ce centre qui est pour nous tous comme l'alpha et l'oméga, où peut se butiner encore tout ce qui reste du sens. Sans doute, alors, le centre du monde, comme nous l'avons toujours connu, ce lieu de méditation et d'équilibre que chacun porte en soi, restera-t-il encore présent en nous, malgré la fluidité et la mouvance des réseaux, la fureur des images, pour peu que nous sachions le « refonder » ce centre, autant de fois qu'il sera nécessaire, avec une lucidité et une vigilance qui ne devront jamais se laisser distraire, ni abuser, par l'unique fascination des machines.

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